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LA LOI DES SERIES

06h30, le soleil pointe enfin à l’horizon et ma foulée reprend petit à petit de l’allure. Je me persuade que le plus dur est passé, et je me reconcentre sur ma course en recollant aux échappées.
Seulement, au croisement de deux sentiers, nous retrouvons un groupe d’une dizaine d’égarés qui cherchent en vain une quelconque trace ou rubalise pour pouvoir s’orienter sur l’un des deux sentiers qui s’offrent à nous.
Dans la confusion la plus totale, certains choisissent la droite, tandis qu’avec d’autres je pars à gauche. Une chance sur deux me direz-vous, mais c’était sans compter sur ma poisse du jour, car me voilà en effet engagé sur une portion opposée au tracé initial. Nous dévalons le sentier puis arrivons dans un petit hameau charmant accroché au flan de la montagne par le biais d’une route goudronnée.
Après cette petite escapade touristique de plusieurs minutes, je cours seul sur une longue partie bitumée en direction d’Engins. J’aperçois un spectateur, prévenu du débalisage sauvage dont nous avons été victimes, et qui s’est posté en amont pour ré-aiguiller les différents trailers éparpillés, me faisant signe pour m’indiquer le chemin à prendre.
J’arrive enfin au premier ravitaillement en 32ème position après seulement 12 km (16 pour moi), un peu abattu mais surtout heureux d’être à nouveau sur les rails de ce trail riche en rebondissements.

Nouveau challenge pour moi en me fixant une course poursuite contre le temps perdu. Je m’efforce donc à gravir à un bon rythme la deuxième ascension de la matinée qui ressemble par endroits à une vraie via-ferrata, et où les mains et les bras sont tout aussi sollicités que le sont mes jambes.
Je remonte quelques coureurs jusqu’à St Nizier en sollicitant la machine car les sensations paraissent bonnes.
Un ravitaillement express où j’ai l’agréable surprise d’être encouragé par Renaud, venu sur ses terres pour s’imprégner de la course.

Je repars aussitôt en direction de Lans en Vercors par le col de la Bergère, qui devait avoir des mollets d’acier, tant la pente est raide. Il nous faut parfois nous hisser en escaladant des blocs de rochers, poussés par les applaudissements de certains spectateurs ayant fait l’effort de venir.
Surplombés par la Moucherote, nous redescendons rapidement sur Lans où un nouveau ravito nous y attend ainsi que Renaud avec qui je fait une photo pour immortaliser l’instant.

Je suis alors 21ème lorsque je m’élance vers Villars de Lans, avec toujours en tête ce défi personnel de ma course dans la course. Il est vrai que de revenir pas à pas sur des compagnons de route est motivant et m’impose une allure dans les descentes, malgré que je ne sois pas très rassuré sur la stabilité de ma cheville encore fragile.
A l’approche de Villars, je rejoins deux coureurs dont un espoir et nous sommes alors pointés dans les 15 premiers.
Le plein de la poche à eau est primordial car nous arrivons à mi-course et le prochain ravitaillement est annoncé à Corrençon à plus de 20 km de là, sous une chaleur qui se fait de plus en plus ressentir.

Cette portion du parcours sera la difficulté du jour avec une longue montée qui se fait en deux fois.
La première, une grimpée sèche d’environ 2 km en vue du col des deux sœurs où nous y croisons des personnes parties faire de la varappe sur les falaises qui nous entourent.
La deuxième, une ascension interminable de près de 15 km ponctuée d’éboulis, de passages sur dalles de pierres ou encore de roches érodées telles des lapiazs qui rendent la progression difficile.
Le paysage est magnifique, voir lunaire, accompagné par un soleil de plomb qui frappe et chauffe le sol blanc qui nous éblouit, nous sommes au Pas de l’Oeil. 

Romain, le jeune espoir qui m’emboîte le pas arrive en fond de cuve et je dois le ravitailler à quelques reprises pour rallier le point de contrôle qui se fait attendre.
Un lac d’altitude nous tend les bras comme une invitation à la baignade et annonce enfin la descente sur la vallée.

Corrençon est en vue, synonyme de plein d’énergie où je délecte un soda frais avant de repartir seul car Romain éprouve le besoin de récupérer d’avantage.

20 km me sépare désormais de l’arrivée, bien décidé à tenter de rentrer dans les 10 malgré la fatigue qui me gagne.
Alors que je marche d’un bon pas dans une montée, un relayeur me dépasse en trottinant : il s’agit de mon ami Jean-François !
Agréablement surpris par cette rencontre, il m’incite à l’accompagner. Je m’efforce de le suivre car il me sera d’une aide précieuse pour ce final.

Sur une large piste DFCI nous échangeons diverses banalités familiales qui ont le mérite de faire passer le temps et nous déroulons ainsi sur 2 km jusqu’à la croisée de plusieurs chemins forestiers. Et là, je vous le donne en mille, point d’indications qui nous laisseraient caresser l’espoir d’être sur le bon parcours.

Après quelques tergiversations, nous nous rendons à l’évidence sur notre égarement et sur l’obligation de rebrousser chemin jusqu’à la bifurcation que nous avons loupée. Pas loin d’une demie-heure qui s’envole et 4 km de plus, mais ne dit-on pas ? : «Quand on aime, on ne compte pas».

Bref, on se motive mutuellement en direction de Méaudre, le dernier point de passage situé à 7 km d’Autrans. Jean-François manifeste des difficultés à respirer et me laisse partir dans les derniers hectomètres en vue de l’arche libératrice.

Je franchis la ligne en 12h28 à la 20ème position avec pas loin de 9 km de plus au compteur. Un peu déçu certes, mais pas de blessure et les yeux encore émerveillés par la beauté de cette terre riche qu’est le Vercors.

Pour ne pas sombrer dans un fatalisme ou dans la recherche de «grigri» en tout genre, je préfère porter mon regard vers les Hospitaliers que j’espère plus glorieux.



































A bientôt sur les sentiers… Sébastien

TRAIL : EXTREME SPORT

                                                                      BY SEBASTIEN FARANO

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