
“TOGETHER WE REACH THE GOAL" *
Au pays du chocolat
Les vaches, les verts pâturages, la montagne, les banques et le chocolat sont autant de choses qui qualifient cet Etat fédéral qu’est la Suisse. Mais ce pays, aussi petit soit-il, compte également de nombreux sportifs et c’est donc tout naturellement que le trail est venu s’y implanter, en prenant de l’ampleur d’année en année. Le trail de Verbier, avec ses 110 kilomètres et ses 7000 mètres de dénivelé positif, sera pour moi et mon frère l’occasion de découvrir la région du Valais, tout en participant à une course haute en couleur.
Les drapeaux rouges étoilés de blanc flottent au gré du vent le long de la route qui nous mène à la station. Les flancs de collines sont envahis de vignes accrochées aux pentes vertigineuses, obligeant une récolte manuelle aidée de chariots suspendus à un câble pour l’acheminement. Les vendeurs d’abricots se multiplient dès le passage de la frontière jusqu’à la dernière montée sur Verbier.
A notre arrivée, nous sommes frappés par la gentillesse des habitants qui nous accueillent les bras ouverts, tant à l’hôtel que sur l’aire de remise des dossards. Petite vérification des sacs, un petit tour aux différents stands d’exposants, une pasta partie entre coureurs et nous voilà de retour dans notre chambre pour une nuit courte.
Au petit matin, sous un ciel dégagé, la fraîcheur se fait ressentir en direction de la zone du départ. J’y retrouve Karine Herry et Renaud Rouanet du Team Lafuma, ainsi que Jean-Claude un contrat magasin de Lyon que j’ai rencontré à Buis les Baronnies. Nous échangeons sur nos courses respectives, les projets et évènements personnels avant de nous aligner sous l’arche.
5h00, je jette un œil vers mon frère en signe d’encouragement, le clocher sonne et le coup d’envoi est donné, nous libérant d’un même élan dans les rues de Verbier. Je me poste aux côtés de Renaud à quelques encablures de Thomas St Girons, Ludovic Pommeret et de Christophe Jaquerot qui fait son retour en compétition. Personne ne semble sortir les frontales, il faut dire que la luminosité est largement suffisante pour assurer un rythme soutenu jusqu’à l’ascension du premier col. La pente s’élève peu à peu et je prends un tempo convenable sans chercher à accrocher mes compatriotes que je laisse filer en leur souhaitant bonne course.
Un petit monotrace, blanchit par la gelée nocturne, nous hisse jusqu’au crêtes des contreforts de la pierre Avoi surplombant Verbier, qui s’illumine aux couleurs du lever du soleil. Sur ma droite un escarpement vertigineux nous laisse entrevoir le fond de vallée que nous devons rallier. Bruno Tomozyk, époux de Karine, posté au col de la Croix de Cœur, immortalise l’instant et nous encourage avant la longue descente vers Sembrancher. Les sensations sont bonnes, mais je reste relativement prudent dans chaque descente accidentée, avec cette cheville qui m’a fait faut bond un mois et demi plus tôt.
L’arrivée au ravitaillement me permet de faire le plein de mes bouteilles accrochées aux bretelles de mon sac à dos, mais aussi de remercier les nombreux bénévoles qui s’activent pour nous fournir ce dont nous avons besoin. Cependant, je ne m’y attarde pas trop et je m’élance en compagnie de deux autres trailers vers la montée sur Champex.
Nous atteignons le bord du massif granitique du Mont Blanc par le village de Soulalex et la chaleur commence à faire son apparition, signe que la journée va être longue et chaude. C’est sur cette portion que je rejoins Jean-Claude qui a un petit passage à vide et que je tente de motiver, persuadé de ses capacités de finisher. Je poursuis mon effort jusqu’à Champex-le-lac que j’affectionne particulièrement par sa beauté suite à mes passages lors de l’UTMB.
C’est donc en terre connue que je déroule vers La Fouly mais dans le sens inverse de ce que j’ai pu faire jusqu’à maintenant, un vrai régal ! Nous traversons le village de Praz de Fort où comme à l’accoutumée des enfants se préparent à un ravitaillement «sauvage». Je ne pourrai en profiter cette fois-ci, car ils ne sont pas encore totalement installés, mais je prends plaisir toutefois à taper dans leurs petites mains tendues vers moi. Le passage de l’ancienne moraine nous fait faire les montagnes russes le long du torrent, avec les jambes toujours aussi légères : pourvu que ça dure.
Cinquante trois kilomètres déjà à la Fouly et 5h40 de course. Cette ville est bondée de spectateurs, venus soutenir un proche sur la boucle, mais aussi ceux ayant accompagné les coureurs de la traversée partis à 10h00 (deuxième course de 65 km La Fouly-Verbier). Je change rapidement de T.shirt et repars aussitôt pour la longue montée sur le col de la Fenêtre au dessus du Gd St Bernard. L’ascension est rude à l’arrivée aux lacs d’altitude et j’avoue être obligé de lever un peu le pied pour ne pas me mettre dans le rouge prématurément, d’autant que l’altitude me gêne légèrement car j’ai fait que très peu de dénivelés cette saison.
Les névés font leur apparition et une petite glissade involontaire sur le postérieur me fait réaliser que la neige reste toujours aussi froide même en juillet.
Je bascule vite, pour ne pas prendre froid, de l’autre côté du col pour rejoindre le Grand St Bernard, après ce bref passage en territoire italien. A la vue de l’Hospice, de nombreux souvenirs me reviennent, notamment un stage effectué il y a deux ans avec mes amis de Lafuma. Le lieu est magique avec cette frontière enclavée et ce lac majestueux qui reflète les montagnes qui le bordent. Bruno est à nouveau là pour me féliciter avec les enfants et prendre une photo souvenir avant le ravitaillement.
Je bois une bonne soupe afin de recharger les batteries tout en apercevant Christophe Jaquerot qui annonce son abandon. Je reste concentré sur ma course et je me lance vers Bourg St Pierre via le col des Chevaux sans avoir aperçu un seul chien avec son petit tonneau accroché au coup, tant pis.
La montée est agréable et très minérale, tout comme l’interminable descente qui suit, où je pense perdre du temps par peur de me tordre cette fichue cheville sur ce sentier jonché de rochers. Ce monotrace se transforme heureusement en large piste qui longe le lac des Toules et son barrage, avant d’atteindre le ravitaillement de Bourg St Pierre où il fleure bon le barbecue et ses saucisses grillées. Mais ce type de ravito sera pour plus tard, je fais le plein d’eau, de fruits sec et de biscuits salés avant d’entamer la pente qui mène à la Cabane de Mille. Au fil de la montée, j’aperçois des groupes de coureurs de la traversée que je remonte un à un ce qui permet d’être moins seul et isolé. Le paysage est grandiose, et le sentier en balcon jusqu’aux tentes du ravitaillement permet de courir d’un bon pas. Bruno est à nouveau là avec les enfants, je suis tout simplement bluffé par leur présence d’autant que l’endroit est difficile d’accès, mais le fait de les voir me fait du bien et me touche.
Peu avant d’arriver au col, j’entends derrière moi un sifflement, il s’agit de Jean-Claude qui s’est refait une santé et qui me rejoint pour effectuer les vingt cinq derniers kilomètres ensemble : cela me ravit.
Alors que je fait le plein de boisson, il me fait découvrir un soda régional à base de petit lait tout simplement délicieux. Mais il nous faut y retourner, et nous nous engageons dans la plus longue descente de la journée avec 1600 mètres de dénivelés négatifs en direction de Lourtier.
Les semelles fument dans des pentes au fort pourcentage en traversant l’alpage de Plénadzeu, mais le fait de courir ensembles nous fait oublier toutes sensations de douleurs.
La dernière montée se dresse face à nous, il s’agit de La Chaux et ses 1200 mètres de D+ sur trois kilomètres et demi, autant dire un mur. Le sentier serpente au travers la forêt pour laisser place au fur et à mesure de notre ascension à une prairie verdoyante.
Jean-claude m’indique que nous gravissons cette dernière difficulté de 900 mètres/heure, ce qui nous rapproche de deux concurrents de la boucle. Notre tempo imposé nous permet de les dépasser aisément et de prendre la sixième et septième position avant de basculer dans la dernière descente sur Verbier.
Toujours inquiet pour ma cheville, Jean-Claude lâche les watts afin de garantir sa place à l’arrivée, tandis que moi j’assure mes appuis sur ces six derniers kilomètres. Le soleil se couche petit à petit mais sans nous obliger à sortir la frontale même en sous bois.
L’arrivée sur Verbier est un pur bonheur, les gens m’applaudissent, les enfants cris et le speaker annonce mon arrivée après 16h40 de course. Jean-Claude qui me précède de six minutes vient à ma rencontre sur la ligne et nous nous félicitons chaleureusement mutuellement, alors que Renaud, arrivé il y a plus de trente minutes en troisième position, nous congratule à son tour.
Karine quant à elle, signe une très belle performance à la deuxième place, synonyme d’un retour prometteur en vue de l’UTMB.
Mon frère, à qui j’ai pensé tout le long de ce trail, abandonne à la cabane de Mille sur fatigue et douleur générale.
Ce week-end a été pour moi l’occasion de découvrir un pays magnifique, une population sympathique et de retrouver des membres Lafuma toujours aussi agréables. Cette équipe a porté haut les couleurs de la marque et comme le dit la maxime de la confédération helvétique : « Tous pour chacun, chacun pour tous ».
A très bientôt sur les sentiers… SEB




TRAIL : EXTREME SPORT
BY SEBASTIEN FARANO