
“TOGETHER WE REACH THE GOAL" *
DERNIERE ACTU
Le couteau entre les dents !
Autant dire que, pour ma part, je suis partagé entre la satisfaction d’être présent à cet évènement d’envergure avec mon pote, et le soulagement d’être sur le point d’en finir avec ces courses de fous où le surrégime est fondamental et permanent.
Bref ! Nous nous retrouvons sur place, accompagnés bien évidement de notre fidèle entourage et d’Agnès, notre dévouée photographe pour immortaliser ce rendez-vous.
L’organisation est digne de nos espérances et côté météo, la pluie de la semaine semble loin car chassée par un fort mistral, qui risque de ne pas nous faciliter la tâche d’ailleurs. Kader et moi nous échauffons ; il paraît toujours aussi concentré, en rentrant peu à peu dans sa course, tandis que je peine à trouver cette motivation à l’approche de l’échéance. Il faut noter que nous en sommes à notre troisième cross consécutif sur ce stade à canassons avec en toile de fond ce Ventoux, habillé de son manteau blanc, qui me tend les bras inexorablement, Grrrrrrrrrrr !
Le speaker appelle les concurrents à rejoindre le sas de contrôle, avant d’accéder au départ. Nous sommes plus de 300 à nous masser aux portes du dieu Eole qui fouette notre visage et nous refroidit au plus profond de nos chairs sur cette longue ligne droite herbeuse. La tension est palpable, chacun tente de se frayer un chemin pour se positionner au mieux sur cette longue ligne blanche tracée au sol. Certains jouent déjà des coudes ou des épaules, la main vissée sur le chrono. Le regard fixé sur l’horizon et les pointes ancrées dans l’épais tapis vert, nous attendons que le commissaire de course donne le coup d’envoi.
La détonation retentit et, en une fraction de seconde, laisse s’échapper une horde de sauvages, le couteau entre les dents et prêt à en découdre. On se croirait sur le champ d’une bataille épique, où l’on serait les courageux chevaliers, partis affronter d’un même élan l’ennemi.
Les pointes acérées de nos chaussures labourent et projettent de la boue sur nos visages respectifs. Le peloton avance ainsi en bloc dans une bousculade générale où tous les coups semblent permis pour s’imposer avant le premier virage resserré. Le rythme est haletant, et le vent de face oblige à s’époumoner d’avantage pour s’extirper de la masse. Dans cette vague humaine, je perds de vue mon ami Kader qui paraît avoir pris un bon départ en se faufilant tel un félin parmi les gazelles. Je pense être pas trop mal non plus, mais j’avoue ne pas supporter les coups incessants des autres compétiteurs, qui dans chaque virage cherchent à vous éjecter et s’insultent copieusement.
On est bien loin du fairplay que je recherche en sport et que nous côtoyons souvent dans le milieu de trail heureusement. Nous effectuons ainsi groupés la première petite boucle avant de nous lancer sur 3 grandes qui compléteront les 9k900 de ce cross. Tout en restant concentré pour éviter une chute intempestive, j’ai la surprise de voir arriver sur ma droite, Kader, qui visiblement s’était fait enfermer dans ce flot tandis que j’avais surfé sur une vague plus propice.
Il m’encourage, suivit de près de Karim, et je m’accroche à eux profitant un instant de la brèche qu’ils m’ouvrent.
Tout comme pour les Inter, nous sortons de l’hippodrome pour emprunter un chemin bordé de bosquets et recouvert d’une boue grasse, visqueuse et humide. Une vraie gourmande de baskets et qui avale de manière arbitraire celui qui aurait mal lacé cette dernière.
Heureusement pour moi, j’apporte un soin particulier au laçage, car dans l'effet de succion je sens que ma chaussure est comme aspirée et se décolle de mon talon. Tenue par le bout du pied, je me positionne sur le côté, et me remet au plus vite de cette mésaventure.
Seulement quelques secondes se sont écoulées et une bonne vingtaine de coureurs me dépassent : je suis dégoûté !
Encore une bousculade ou deux et je heurte un arbre au niveau de l’épaule, à croire que Pierre Richard est en moi.
J’ai presque envie d’arrêter, mais j’aperçois Emma, Ennio et Agnès qui m’encouragent.
Porté par la voie de mon fils, je me dois de finir cette course et de m’accrocher, alors je repars pour les deux dernières boucles toujours balayé par le mistral.
Je fais dorénavant attention de prendre la bonne trajectoire dans la glaise et de bien me protéger du vent jusqu’au final. Les ardeurs des crosseurs se temporisent avec la fatigue aidante et je reprends plaisir à faire tourner les jambes, même si une sensation de lourdeur se fait malgré tout sentir.
L'arrivée se fait en une longue file étirée et je franchis la ligne en 37’22’’, loin dans le classement, mais soulagé et heureux d’avoir terminé cette course, et surtout d’avoir participé à cette expérience en compagnie de mon ami Kader.
Le soir je borde mon fils Ennio qui s’apprête à dormir et il me dit être fier de moi tout en m’enlaçant. Ses yeux à eux seuls me portent et me laissent entrevoir encore de belles courses en perspectives.
Je vous embrasse toutes et tous. Place désormais à la préparation trail …
A bientôt sur les sentiers … SEB
TRAIL : EXTREME SPORT
BY SEBASTIEN FARANO