
“TOGETHER WE REACH THE GOAL" *
Un Off de Ouf
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un off : il s’agit d’une épreuve de course à pied non référencée dans un calendrier officiel, mis en place le plus souvent par un club, avec ou sans chronométrage.
Celui dont je vais vous parler, est organisé par le Club Alpin Français de Marseille et a eu lieu le dimanche 7 février dans les calanques de Callelongue à Cassis. Cette épreuve fait partie des plus vieilles courses nature de la région et se veut confidentielle, voire secrète et réservée exclusivement aux connaisseurs. Cette année environ 130 trailers s’affronteront sur ces sentiers escarpés, où l’itinéraire n’est pas imposé, seulement trois points de contrôle obligatoires entre le départ et l’arrivée (col de Marseillveyre, col de Morgiou et le rocher de la Candelle).
Le lieu du départ, appelé communément «le bout du monde» est tout simplement sublime, avec les reflets encore dorés d’un soleil qui vient à peine de se lever et qui se réfléchissent dans une mer méditerranée peu agitée. Bernard, Claire, Louis, Jean-Claude et Emma sont présents également pour profiter de cette journée qui s’annonce mémorable, et je suis impatient de m’élancer dans cette aventure et plonger dans l’inconnu le plus total, car c’est pour moi la première fois que je viens courir dans ce lieu.
J’y retrouve mon ami Cyril, en compagnie de Benoît Laval qui ont reconnu le parcours la veille, mais dans le sens inverse, et il m’explique en quelques mots dans quel labyrinthe nous allons nous élancer et dans lequel nous avons vite fait de nous égarer.
Le briefing atypique du CAF, comme cette épreuve, me confirme ces dires et annonce aux nouveaux arrivants le risque fort probable de se perdre face aux multiples variantes et coupes qui s’offrent aux coureurs.
Sur la ligne de départ, les mines sont réjouies car les conditions météo se révèlent excellentes malgré la fraîcheur matinale. Le compte à rebours est donné par l’organisateur et la corde qui nous maintient en groupe est vite remontée pour libérer cette horde de fous furieux trailers.
Le rythme est très rapide et je cherche à me tenir à quelques encablures de la tête pour ne pas me perdre dans ce dédale de chemins. L’ascension du premier col est très physique, on alterne entre éboulis, escalade et course parfois; je retire d’ailleurs mes gants pour sentir au mieux la roche qui se dérobe quelques fois sous la pression.
Je pense être dans les dix premiers lorsque je m’extrais de ces cheminées, quand soudain en levant la tête en direction du sommet j’aperçois des coureurs qui arrivent sur ma gauche, tout en trottinant, et qui ont dû prendre une variante beaucoup plus confortable que la mienne, c’est tout simplement déroutant et j’en souris.
Marseillveyre est devant moi et la vue plongeante sur la ville de Marseille vaut le détour, je prends une minute pour en profiter puis je m’élance dans une première descente technique où là encore les coupes semblent multiples. En effet, des trailers me passent par la droite ce coup là, sans prises de risques supplémentaires mais sur un sentier qui pour un novice comme moi ne paraît pas en être un. C’est décidé, j’accroche un groupe pour éviter cet effet yo-yo qui me perturbe et je suis la cadence en direction du prochain point de contrôle : Morgiou.
Le passage du col de l’homme mort ressemble étrangement au plateau d’Oppède avec les Lapiaz qui pointent en dehors du sol rendant la foulée acrobatique, et nous transformant sur environ deux kilomètres en de véritables funambules.
Mon compagnon du jour se prénomme Laurent, il est membre du Marseille Trail Club et me dit ne pas être au mieux aujourd’hui. Après Morgiou, je le suis à travers la garrigue où je me serrai perdu milles fois si j’avais été seul et nous débouchons sur une corniche en bord de mer.
Je distingue au loin un autre concurrent, Laurent me conforte dans l’idée de le rejoindre tant la forme paraît revenir de mon côté. Je reviens vite sur ce concurrent qui semble victime lui aussi d’un coup de moins bien dans le rocher de la Candelle.
Intercalé entre deux groupes, je me retrouve seul avec l’horizon en arrière plan, ce que je redoutais, car je crains de m’égarer. Mais quel dilemme ! Faut-il attendre mes poursuivants qui ont du mal et qui me ralentiraient ou bien tenter ma chance en accélérant pour rattraper le coureur suivant. J’opte pour la seconde option tout en profitant du paysage qui défile sous mes yeux, avec les embruns qui caressent mes naseaux et les couleurs hivernales chatoyantes qui m’éblouissent : je laisse la magie opérer et l’émotion m’envahit.
Réveil brutal, lorsque se présente à moi deux sentiers distincts, où l’un plonge en contre bas et l’autre grimpe en direction d’une falaise vertigineuse. J’essaie de distinguer au loin le bon itinéraire, mais que nenni ! Rien ne laisse supposer la bonne trajectoire à prendre. Je décide donc de monter, une chance sur deux me dis-je, et en surplomb j’aurai certainement plus de facilité à analyser le parcours.
Une fois le sommet atteint, j’aperçois deux silhouettes en contre bas me faisant remarquer l’erreur d’orientation que je viens de commettre. Je poursuis malgré tout, en bonne foulée sur les monotraces qui serpentent entre les rochers et les buissons rasants, vers ce que je crois être le point de ralliement. Un groupe de randonneurs, que je croise, me montre sur une carte l’auberge de jeunesse de La Fontasse que je dois retrouver, et dure réalité de me dire que je me suis carrément planté. Quatre ou cinq autres sympathiques promeneurs me guideront dans cette galère à travers vallon et collines sur un chemin dénommé «En Vau» bien connu des amateurs du coin.
Je profite du paysage et de cette bonne sortie devenue par la force des choses une séance d’entraînement, lorsque je vois une bâtisse qui pourrait bien être l’auberge en question, et comble du comble, j’arrive dans le sens inverse des autres participants. Emma et Claire m’attendent près de la ligne d’arrivée où je leur fais part de mes impressions et de mon égarement.
Je retrouve Cyril qui fait une belle troisième place et mes autres compagnons se succéderont sous cette arche pour se réunir autour d’une bonne paëlla offerte par l’organisation, que l’on déguste avec en toile de fond ce décor magnifique.
Je pense être tombé amoureux de ce site, à l’image de Gaston REBUFFAT, le guide célèbre, écrivain et conférencier qui s’exprimait ainsi : «Il n’y a sans doute pas, dans le monde, d’autre exemple où, si près d’une grande ville, soit conservé un espace sauvage et d’une grande beauté, comme cela est le cas pour le massif des Calanques. Cela tient du miracle !»
A bientôt sur les sentiers.
SEB



TRAIL : EXTREME SPORT
BY SEBASTIEN FARANO