top of page

Le ciel nous est tombé sur la tête....

La fête du trail s’annonçait pourtant aussi belle qu’à l’accoutumé, autour de ce magnifique Mont Blanc en ce dernier week-end du mois d’août, mais Dame Nature en avait décidé tout autrement…

 

En début d’année 2010, je décide de m’inscrire sur la Trace des Ducs de Savoie (TDS), afin d’accompagner mon frère qui s’aligne quant à lui sur le mythique UTMB. Cette TDS au nom plus qu’évocateur dont c’est la deuxième édition cumule près de 7 000 mètres de D+ sur environ 110 kilomètres. Petit changement pour cette année, la rotation se fait dans le sens Courmayeur- Chamonix sur un profil relevé et très minéral avec un départ donné à minuit, ce qui nous prédit un beau spectacle.

Je me dirige en famille sur Chamonix, gonflé à bloc et persuadé de participer à une nouvelle aventure qui devrait me correspondre à souhait. La météo décrite sur les divers bulletins affichés en ville, présage dans un premier temps un ciel dégagé et ensoleillé, puis au fil de la semaine la dégradation fait son apparition avec quelques averses éparses. Un SMS de l’organisation nous informe la veille du départ qu’il faut nous équiper chaudement car les conditions climatiques s’avèrent très difficiles, mais tout cela n’altère en aucun cas ma détermination.

 

Un petit tour au magasin LAFUMA pour saluer le Staff et mes compagnons de route qui s’attèle à une séance de dédicace où j’ai plaisir d’échanger avec eux mon ressenti dans une ambiance toujours aussi chaleureuse et nous arrivons dans la dernière ligne droite avant le jour J ; mon frère semble fin prêt pour son UTMB, ainsi que mes amis trailers venus se mêler à la fête. Nous peaufinons au mieux notre matériel et notre équipement en fonction des ultimes infos reçues, et de mon côté tout rentre au top dans le sac Ultra 3 LAFUMA, gentiment envoyé en dernière minute par Christophe, et qui me sera d’un grand secours, car parfaitement adapté à ce type de trail.

Vendredi 17 heures, alors que Jérôme approche de la ligne de départ, nous nous dirigeons vers le lac des Gaillands pour le voir passer et l’encourager. Le ciel se fait de plus en plus menaçant, il ne faut pas être un expert en météo pour remarquer qu’il se prépare de très mauvaises conditions du côté du col de Voza.
18h30, le départ est enfin donné, j’encourage l’ensemble des coureurs à leur passage jusqu’à l’arrivée de mon frère, un peu coincé dans la masse mais qui semble avoir de bonnes sensations. Certains d’entre eux sont déjà recouvert de veste de pluie, de poncho ou autre sac poubelle pour se parer de ce qui se trame à l’horizon.

 

Mon fils, de sa petite main tendue, tape dans la paume de nombreux coureurs et les remercie d’un large sourire avant de voir s’éloigner le dernier d’entre eux. De grosses gouttes commencent à s’écraser autour de nous obligeant les spectateurs à se hâter dans leurs moyens de transports respectifs. De retour au chalet, il me semble avoir plongé dans une piscine tout habillé, et je reste songeur derrière la fenêtre, le regard lointain en imaginant le calvaire que vont devoir supporter bon nombre de trailers.

Après le repas, j’essaie de faire abstraction de cette pluie qui continue à tomber par intermittence et je regroupe mes affaires afin de me rendre à la dernière navette pour Courmayeur, prévue vers 22h00. En chemin, ma concentration est interrompue par un coup de téléphone. C’est mon frère qui nous apprend tout d’abord son arrêt aux Contamines, puis la fin purement et simplement de l’UTMB 2010, due aux forts ruissellements d’eau et de boue sur les sentiers, le tout accompagné de brouillard et de neige sur les sommets. A cette annonce, je suis tout simplement abattu, interloqué ; je pense bien sûr aux coureurs et à leurs espoirs qui s’envolent, mais je m’interroge également sur la suite donnée à notre TDS.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je marche presque machinalement jusqu’au lieu du ramassage des navettes, avant d’être stoppé par une dame de l’organisation qui nous explique brièvement la situation, à savoir l’attente d’une information indiquant si la course pour nous est maintenue ou bien différée. Pour ce faire, on  nous accompagne jusqu’au gymnase, transformé en véritable foire, où chacun des 1200 coureurs tente de comprendre ce qui arrive. Je téléphone à mon ami Cyril qui doit traverser le tunnel du Mont Blanc en voiture perso et je l’informe du véritable chamboulement qui vient de frapper. Il décide alors de venir à ma rencontre, et je l’attends sans savoir vraiment comment me mettre, un coup assis, un coup debout, une nuit qui s’annonce très longue. Véro, Doumé, Emma, ma mère et Ennio, à mes côté, sont tout aussi perplexes que je peux l’être. A l’arrivée de Cyril, nous prenons la décision de retourner au chalet car il est bien plus confortable et nous apprenons que l’organisation enverra, dans les heures qui suivent, un SMS pour avertir de la suite donnée.
La nuit sera très agitée, impossible de dormir, je tourne, je vire ; Cyril me contacte vers 01h00 pour me signaler qu’une rumeur circule dans les ruelles de Chamonix et qu’une annulation est également envisagée pour la TDS, il va falloir se résigner, la magie du week-end n’aura pas lieu cette année. Alors que le marchand de sable n’est toujours pas passé, c’est autour du PC course de nous prévenir vers 04h00 qu’un nouveau départ sera donné à 10h00 de Courmayeur, pour seulement 1000 participants, et sur un parcours commun jusqu’à Chamonix en passant par Champex en Suisse. Il ne m’en faut pas plus pour me perturber d’avantage et je décide de me lever accompagné de Doumé qui semble avoir eu des difficultés pour dormir lui aussi.

Mon frère nous rejoins autour de deux tartines de pain et nous relate sa folle nuit dernière, alors que je distingue au travers de la vitre, un ciel encore chargé et bas en fond de vallée. Véro, Doumé et Jérôme semblent convaincus de ne pas prendre le départ de cette nouvelle course improvisée, tandis que je m’interroge encore sur les conditions, la course et pour la première fois sur ma motivation à continuer.
Il est presque 8h00, j’enfile un pantalon par dessus mes affaires de course, curieux de voir en ville l’ambiance qui y règne avec l’arrivée des derniers de la CCC, qui eux aussi ont eu une course quelque peu tronquée. Par acquis de conscience peut-être, mon sac sur le dos, je vais jusqu’aux navettes, persuadé qu’il est trop tard pour en prendre une ou que le quota de 1000 est déjà atteint. C’est alors que j’aperçois Cyril, deux bus sont encore là, il ne nous faut pas bien plus d’une minute pour nous décider, avec Christophe un ami, pour nous jeter dans l’un des deux en destination de l’Italie.

 

L’atmosphère est particulière, on ne sait pas ce qui nous attend, je cherche à me décontracter loin de toutes les polémiques qui fusent sur les décisions prises cette nuit par les organisateurs. A la sortie du tunnel, c’est le contraste, un ciel bleu azur nous accueille ; le car nous dépose au pied du départ où Cyril s’efforce de strapper une cheville fragilisée, avec l’assistance de coureurs guère plus expérimentés que lui dans cette tâche.
Les trailers commencent à se masser derrière la banderole, il est à peine 10h00, nous voyons arriver un à un les costauds de la discipline, y compris mes compagnons de chez LAFUMA.

Quelques retardataires attendus, et nous voilà libérés vers 10h30 dans les rues de la capitale de la vallée d’Aoste, pour une course des plus inattendue de 90 kilomètres et 5000 mètres de D+. Le rythme imposé est rapide sous l’impulsion de Dawa dans la montée de Bertone, j’ai du mal à me mettre dans la course j’ai la tête ailleurs. Je suis entouré de Jérôme Challier, Antoine Guillon et Renaud Rouanet, tandis que Pascal Blanc et mon ami Cyril accrochent un wagon à quelques longueurs. Je les suis sans trop de difficulté mais je sens rapidement, à l’arrivée au refuge, que les jambes sont en coton, il me faut rester prudent.

 

Un ravito express et je recolle Pascal, sur le petit balcon via Bonnati, celui-ci impose un tempo régulier qui me convient parfaitement sur ce monotrace. Il semble à l’aise également, ce que ne manque pas de lui faire remarquer Antoine qui nous a rejoint à l’approche du second point de contrôle. Je me restaure à la hâte, peut-être un peu trop, et je repars avec mes deux compères au talon de Sébastien Chaigneau qui paraît être en roue libre jusqu’à Arnuva.
Je crains cette descente en condition humide car très glaiseuse donc glissante, mais je suis surpris de constater qu’elle s’avère roulante et c’est en toute sérénité que je rejoins le ravitaillement d’Arnuva où je me restaure d’une bonne soupe aux vermicelles. Les spectateurs nous applaudissent chaleureusement à la sortie du chapiteau, il fait encore doux, je redresse la tête dans l’espoir de distinguer le grand col Ferret mais rien à faire, il se trouve piégé d’un épais nuage gris qui ne laisse rien présager de bon.

L’ascension s’effectue en trois parties, la première n’est qu’une formalité, la seconde en revanche est glissante car une bruine se dépose sur le sentier et on use de nos dons d’équilibriste pour ne pas reculer plus que l’on avance. Et enfin la troisième, qui amène au sommet, où je me dois à son pied de m’enfiler activement une veste de pluie car ce crachin se transforme peu à peu en pluie plus soutenue et le froid me saisit petit à petit. C’est en compagnie de Pascal que je viens à bout de cette péninsule au travers d’un épais brouillard et un vent terrible qui rendent difficile notre progression. Nous basculons dans la longue descente sur la Peule, la vigilance est de mise car une chute est vite arrivée, d’autant que le froid m’a durcit les cuisses et mon agilité s’en voit diminuée.

 

Au croisement d’un sentier, j’aperçois Karine et Bruno, venus spécialement nous encourager et nous prendre en photo avant la descente sur la Fouly. Bruno nous informe d’une douzième position et la tête de course à quelques minutes seulement. Cette portion est technique et dangereuse, je suis concentré, les racines et autres pierres immaculées de boue sont autant de pièges qu’il faut éviter, contourner ou sauter.
Dans un virage en dévers, mon pied glisse et vient buter contre un rocher, me faisant vriller la cheville droite déjà fragile. La douleur est supportable mais il me faut ralentir la cadence par sécurité et je vois s’éloigner peu à peu Pascal.

Nous retrouvons une partie asphaltée ce qui me permet de dérouler afin d’assouplir cette articulation récalcitrante et de tenter de me rapprocher à nouveau de mon compagnon. Je découvre une nouvelle arrivée au poste de la Fouly par le haut du village, avec toujours la même ambiance conviviale qui s’y dégage. Cette portion bitumée m’a usé terriblement les jambes, je fais le plein de mes bouteilles et je m’enfile une soupe chaude pour me revigorer.

 

De la Fouly à Praz de Fort, le parcours est en contraste avec ce que l’on vient de vivre, car il fait à nouveau bon et aucune difficulté à signaler, si ce n’est qu’il faut sans cesse relancer dans ces faux plats pour ne pas perdre trop de temps. A ce propos je n’aperçois plus Pascal, les temps de passage me montrerons plus tard qu’il n’était pas si loin devant, mais je n’ai pas la force d’aller le chercher.
Je m’engouffre dans les ruelles typiques de ce charmant et paisible hameau Suisse, et je distingue au loin la ville de Champex qui de dresse sur le flan de la montagne verdoyante.

Karine et Bruno sont à nouveau présents pour me féliciter et je les en remercie. Je reviens peu à peu sur Nicolas Mermoud qui semble éprouvé à son tour, je l’encourage et arrive au ravitaillement attendu pour faire le plein d’énergie. Je ne reste que 6 petites minutes pour éviter le piège de la base de vie qui peut vous clouer sur place et laisse s’échapper le temps inexorablement.

 

Un morceau de tarte aux myrtilles de la région à la main, je longe le lac de Champex, et me voilà reparti sur les larges pistes en direction de Bovine. Deux trailers me rattrapent, m’évitant ainsi une montée seul dans ce dédale de rochers glissants et ses ruisseaux de boue. Les sensations ne sont pas si mauvaises, pourtant je sens les affres de la démotivation m’envahir, loin de moi l’abandon mais je ralentis la cadence inévitablement.
Je prends d’ailleurs aucun plaisir dans la descente sur Trient, alors qu’habituellement je me régale sur ce monotrace à dérouler dans ce sous bois.

Bernard et Claire, venus spécialement à ma rencontre, m’annonce près de l’église que nous nous tenons dans un mouchoir de poche avec le premier à tout juste quarante minutes et que je leur parais relativement frais. Je fais part à Bernard de mon ressenti et il m’encourage à conserver une vingtième place à quelques minutes de Samuel Bonaudo.

 

J’accroche à nouveau deux trailers pour gravir les Steppes, reboosté à l’idée que ma famille m’attend à Vallorcine. A l’arrivée au sommet, je m’enfonce dans un épais brouillard, je suis entouré d’un bruit étourdissant suivi d’un vent à la force incroyable. C’est un hélicoptère qui semble être posé à quelques mètres de moi, il s’agit de celui de l’organisation qui filme les coureurs sur cette portion. Le brouillard se dissipe et j’aperçois la machine jaune devant moi qui effectue quelques travellings pour mon plus grand plaisir.  Je suis seul, je m’éclate à saluer telle une star le caméraman, puis il s’éloigne et disparaît dans un vallon.



















































A nouveau une descente piégeuse et rapide vers Vallorcine et j’écoute en contrebas ma famille qui scande mon prénom : cela me rempli de bonheur. Un petit signe à mes parents et amis, une main sur la tête de mon fils, un bisou à Emma, et mon frère m’accompagne jusqu’au ravitaillement. Rapidement je ressors, salué par mon entourage. Je ne m’attarde pas car j’aimerais profiter de la clarté du jour le plus loin vers la Tête des Vents. David, un ami, accompagné de sa petite famille, me fait l’honneur d’être présent lui aussi, sur le sentier des diligences et me suit un court instant d’une petite foulée avant de me laisser affronter seul la dernière difficulté.

J’attaque la dernière ascension et  l’obscurité me gagne au point culminant de celle-ci. Je distingue à quelques longueurs un coureur que je rattrape, ce n’est autre que Renaud qui me dit «ne plus avoir de jus». Je lui propose de quoi se restaurer, mais il semble avoir le nécessaire et je m’éloigne peu à peu dans l’espoir vain qu’il puisse s’accrocher.
La liaison avec la Flégère, le dernier point de contrôle, s’effectue pour moi malheureusement de nuit, car je sais d’expérience que l’obscurité en ce lieu nous fait perdre beaucoup de temps sur ce sentier jonché de rochers. Je me délecte à nouveau d’une soupe et c’est en compagnie d’un norvégien prénommé Peter que je m’élance dans la longue et sombre descente qui surplombe Chamonix.

 

Le froid est saisissant, on nous annonce des températures négatives et chacune de nos expirations se transforme en un petit nuage de «fumée», qui limite un court instant notre champ de vision. Heureusement les lampadaires de la ville viennent rapidement prendre le relais de notre frontale que j’éteins par réflexe.
Je savoure les derniers mètres de bitume qui défilent sous mes chaussures en longeant l’Arve encore gorgé des pluies de la veille. Le centre ville est bondé, je redresse la tête et j’aperçois mon frère qui immortalise de quelques clichés ce final. Puis c’est au tour d’Ennio mon fils, les yeux illuminés de joie, désireux de parcourir les derniers mètres qui me séparent de l’arrivée. Je serre sa petite main, les gens applaudissent et nous franchissons ensembles la ligne sous les flashs des photographes, en 12h14 d’effort. Ma famille ainsi que les amis se tiennent derrière les barrières et je les embrasse tour à tour pour les remercier de leur soutien.





































Ce week-end atypique de la fin août 2010 aura marqué les mémoires, et c’est le regard porté sur mes objectifs futurs que je rejoins l’équipe LAFUMA le lendemain pour un petit déjeuner réconfortant.

Comme à l’accoutumé je profite de mon récit pour remercier la société LAFUMA, les magasins RUNNING CONSEIL MARATHONIEN d’Avignon et SPORT ET NEIGE de Pontarlier, ainsi que ma famille et amis qui m’ont soutenu et encouragé cette saison.

 

A mon fils…





















































TRAIL : EXTREME SPORT

                                                                      BY SEBASTIEN FARANO

bottom of page